La Loi de
Programmation des Finances Publiques du 22 janvier 2018 a mis en place un
dispositif d’évolution contrainte des dépenses de fonctionnement des
collectivités locales et de leurs groupements, visant à générer une économie de
13 milliards d’euros au niveau national d’ici 2022.
Les régions, les
départements ainsi que les communes et regroupements intercommunaux dont les
dépenses de fonctionnement sont supérieures à 60 M€, soit 322 collectivités
locales dont la Ville de Colmar, sont concernés par ce dispositif. Ce dernier
les contraint à plafonner l’évolution annuelle de leurs dépenses réelles de
fonctionnement, au titre du budget principal, à 1,2%, inflation comprise.
Sur la base de
l’argumentation qui suit, j’ai proposé au conseil municipal, le 25 juin
dernier, de ne pas accepter la signature de ce que l’Etat appelle, de manière pudibonde
voire hypocrite, un « pacte de
confiance ». Les conseillers municipaux m’ont suivi, à la quasi unanimité,
toutes fractions politiques confondues.
Il ne s’agit pas
par là de renoncer à une politique de maîtrise et de diminution des dépenses de
fonctionnement de la Ville. Loin s’en faut.
Alors pourquoi cette
position ? Les raisons sont multiples. Je m’explique.
1.
Ce dispositif
est clairement la manifestation d’une volonté de « recentralisation » de la part de l’Etat
Or
les collectivités locales jouissent du principe de la libre administration
garanti à l’article 72 de la Constitution. Le Pacte de confiance proposé constitue
donc une profonde remise en cause du
principe de libre administration. L’autonomie de gestion des élus issus du
suffrage universel est à la fois une composante essentielle de la décentralisation
et la condition d’une réponse adaptée aux spécificités de chaque territoire.
2.
Ce « pacte de confiance » témoigne
à mes yeux d’une grave méconnaissance des finances locales
Explications :
l’inflation était déjà de 1,6% en avril
2018 (Source : INSEE, indice des
prix à la consommation). Cela signifie qu’en réalité les dépenses réelles de fonctionnement, déjà fortement comprimées, devront baisser de 0,4% pour respecter
l’objectif fixé par le pacte de confiance.
En
plus, l’Etat impose une actualisation des rémunérations des agents publics pour
2018, évaluée pour la Ville de Colmar à 460 000 €. Ce montant représente
encore 0,6 % des dépenses de fonctionnement 2018. Ainsi, au total, les dépenses supplémentaires à assumer
obligatoirement sont de 2,2 %, soit d’un
point supérieur par rapport au 1,2 % autorisé ! Donc non seulement, la
signature d’une convention est une atteinte à la libre administration des
collectivités locales, mais en plus le 1,2 % se situe bien en-deçà de la
réalité des coûts d’augmentation !
En
outre, faut-il s’interroger sur cette consigne uniforme de 1,2 % concernant toutes les collectivités locales et
leurs établissements publics. C’est comme si l’Etat ne faisait pas de
différence dans le coût des charges que doivent assumer :
-
Les
Régions
-
Les
Départements
-
Les
Villes
-
Et
les Intercommunalités.
3.
Au regard des
économies déjà réalisées au niveau de notre Ville, la volonté de diminuer le
coût de la dépense publique m’a conduit à arriver, comme je l’ai déjà dit, sur « l’os ».
Il
ne nous est plus possible de faire des économies supplémentaires sans commencer
à déshabiller les services. Je m’y
refuse.
Par
ailleurs, la Ville de Colmar n’a pas
attendu le pacte de confiance pour maîtriser des dépenses de fonctionnement et
optimiser sa gestion. Si la Ville figure depuis de longues années sur tous
les podiums en matière de performances, c’est grâce aux méthodes de gestion que
j’applique depuis 1995. Les chiffres publiés par la Direction Générale des
Collectivités Locales le démontrent parfaitement. A Colmar, les dépenses réelles de fonctionnement s’élèvent à 1 272 €
par habitant en 2016, contre 1 589 € en moyenne pour les communes de la
même strate, soit un écart de 317 € par habitant.
Cela
traduit une économie de
22 754 577 € (317 € x 71 781 €), pour les Colmariens.
Les efforts de
gestion effectués par la Ville de Colmar ne sont pas nouveaux ; ils ont
été réalisés dans la durée : en effet, l’écart s’est creusé au fil du temps
puisqu’en 2000 déjà, Colmar dépensait 1 195 € par habitant contre
1 307 € pour les communes de strate identique (- 112 € par habitant).
Il
convient également de souligner que Colmar, tout en maintenant ses charges de
fonctionnement de 2018 au même niveau qu’en 2014 (76,5 M€), a supporté 2,1 M€
de dépenses supplémentaires au titre de l’inflation cumulée depuis 2014, et 2,6
M€ pour les dépenses nouvelles imposées par l’Etat à travers ses décisions.
Ainsi, la Ville
de Colmar fait figure de référence nationale en matière de gestion publique
exemplaire.
4.
L’exemplarité de la Ville de Colmar
s’illustre également à travers une politique d’investissement très soutenue (cf. Mot de la Semaine du 2 juillet 2018).
L’investissement supplémentaire à Colmar
est près de 20 M€ /an, par rapport à la moyenne des nationale des villes de la
même strate de population.
Le
pacte de confiance tend à sanctionner les communes vertueuses. En investissement, ces communes sont
pénalisées par les coûts de fonctionnement induits par les nouveaux projets.
Or,
si les collectivités sont sanctionnées lorsqu’elles investissent, c’est toute
l’économie française qui est en péril. En matière d’investissement, le rôle des
collectivités locales est en effet prépondérant : avec moins de 10% de la
dette nationale, elles financent plus de 70% de la commande publique. On l’a vu, Colmar y prend une large part.
5.
Le pacte de
confiance génère des effets pervers
A
Colmar, les nouveaux projets tels que le Parking Gare/Bleylé, le Gymnase du
Grillenbreit ou encore la piste d’athlétisme couverte, le nouveau centre
périscolaire et le Centre Européen du Livre vont générer des coûts de
fonctionnement nouveaux. Au total, ces projets traduisent une dépense de
fonctionnement supplémentaire évaluée à 8 M€ pour les 12 années à venir soit
environ 670 000 € par an ...
On
voit donc ici l’un des effets pervers du
Pacte de confiance proposé par l’Etat : les investissements réalisés
génèrent des coûts de fonctionnement supplémentaires. Les villes qui
investissent s’en trouvent donc pénalisées, alors que l’investissement, en tant
que tel, est toujours vertueux. A titre d’illustration encore, la Ville de Colmar
doit supporter 10 M€ de frais de fonctionnement supplémentaires au titre des
équipements nouveaux mis en exploitation ces 10 dernières années, soit 1 M€ en
plus par an !
An
niveau national, il faut craindre le blocage de leurs investissements par
certaines villes, avec toutes les conséquences néfastes qui vont en résulter
pour le carnet de commandes des entreprises ! La Ville de Colmar, elle,
continuera à investir conformément aux engagements pris devant les
Colmariens : quelque 38 M€ par an pendant toute la durée du mandat.
6.
Par ailleurs, nous
avons pris l’option de ne pas augmenter pour 2018 et 2019 les taux fiscaux.
Ceux-ci sont figés depuis 6 ans. Il en va de même pour le recours à l’emprunt.
A
titre d’exemple, et malgré les investissements lourds réalisés, la dette à
l’habitant était fin 2017 quasi équivalente à celle de 1995 (958 €/habitant en
2017 contre 902 €/habitant en 1995). Par ailleurs, les 3,5 M€ d’encours
supplémentaires ont été gagnés en économie sur les frais financiers
(875 000 € en 2017 contre 4,36 M€ en 1995).
7.
Enfin, le pacte
de confiance ne retient que les dépenses réelles de fonctionnement et occulte
totalement la partie recettes qui, pourtant, est aussi de nature à qualifier
les efforts réalisés par les collectivités dans leur gestion.
En
effet, il s’agit de valoriser la capacité de recettes patrimoniales, hors
impôts. A titre d’exemple, les recettes supplémentaires à Colmar, hors
fiscalité, sont de 2,5 M€ (pour les années 2018 et 2019). Exemple
pratique : le coût de fonctionnement du parking Gare/Bleyle s’élève à
275 000 € par an. Or les recettes en rapport avec l’exploitation de ce
parking ne sont pas prises en considération par le pacte ! Celui-ci s’en
tient aux 275 000 € de dépenses de fonctionnement !
Notre
stratégie a consisté à développer de nouvelles sources de revenus, autres que les recettes fiscales, en
combinant des facteurs tels que le développement de l’attractivité économique
et touristique de la Ville, et la récolte des « dividendes » des investissements substantiels réalisés,
par exemple, en matière de stationnement.
Cette gestion
est bénéfique et pourtant, le pacte de confiance ne retient que les charges
induites.
8.
Le sommet de
l’incohérence du pacte proposé, se situe au niveau des charges de
fonctionnement imputées pour les frais de personnel.
Sont
décomptées en effet les charges brutes, sans tenir compte de la facturation
faite par la Ville, pour le personnel mutualisé. Ainsi, la Ville de Colmar est
pénalisée de plus de 3 M€, alors qu’elle récupère ce montant auprès de
différentes institutions (Colmar Agglomération, Société Schongauer, Centre
Communal d’Action Sociale, Musée du Jouet, etc.). Dès lors le contrat proposé
fait figure de « bricolage »,
au regard duquel il vaut mieux s’abstenir de parler des 4 principes budgétaires
qui régissent la gestion publique ...
Tous ces
éléments me conduisent à dire que le pacte de confiance proposé apparaît donc
comme injuste et inadapté aux enjeux
économiques majeurs pour la France dans les prochaines décennies. Il ne permet
pas de récompenser les efforts de gestion importants réalisés depuis de longues
années par la Ville de Colmar, qui participe ainsi déjà, de manière très active,
à l’effort national. Aller au-delà des efforts de gestion déjà réalisés, c’est
courir le risque de nuire à la qualité de service rendu aux Colmariens.
Le dispositif
proposé pénalise en réalité les collectivités qui, comme Colmar, ont fait
preuve de rigueur et de sagesse dans leur gestion. C’est donc une double peine
qu’on leur inflige ! Si toutes les collectivités avaient adopté la même
rigueur que la Ville de Colmar dans leur gestion, il n’y aurait nul besoin d’un
pacte de confiance !
Au vu de ces éléments, le conseil municipal a donc suivi ma proposition visant à ne pas signer
le pacte de confiance. Il l’a fait à l’unanimité, je le répète.
Nous avons
considéré collégialement que les modalités proposées pour 2018 peuvent être une
base de discussion mais ne correspondent pas à la réalité de la gestion
publique territoriale.
Surtout, les
modalités proposées sont inacceptables pour la Ville de Colmar, au regard de ce
qui précède. Plus globalement, il s’agit d’un mouvement pernicieux pour les
territoires. Les communes concernées par le pacte et leurs élus sont gagnés par
un sentiment d’abandon. Ce pacte laisse à penser que leur action est jugée
dispendieuse !
J’ai fait entendre
au 1er Ministre, dans l’intervalle, les raisons de cette prise de position.
Le 1er Ministre a
fait appel à une « clause de revoyure » pour adapter les modalités et la
technique de l’engagement contractuel proposé. Nous verrons ce que cette clause
entraîne .... D’ailleurs, ne manque-t-il pas une importante disposition dans le
pacte proposé ? L’Etat, aussi, devrait s’engager à apporter de la
visibilité sur les dotations à verser aux collectivités ! Par ailleurs,
pourquoi l’Etat n’emprunte-t-il pas lui-même le chemin vertueux des économies
budgétaires qu’il veut imposer à d’autres ?
Au final, nous resterons à Colmar conformes à ce que
nous avons toujours fait : rigueur et efficacité. Nous ferons mieux
que ce qu’imposent les préconisations de
l’Etat. Ainsi, les dépenses de fonctionnement 2018 ne seront pas supérieures, à
peu de choses près, à celles de 2017. Il n’y aura donc pas d’actualisation de
1,2 %, mais une dépense à peu près égale à celle de 2017, soit une économie
d’environ 1 %.
Et puisqu’il
faut toujours se projeter vers l’avant, je prévois pour 2019 une actualisation
d’environ 1 %, par rapport aux comptes administratifs 2017 et 2018. Ainsi les
dépenses 2019, seront près de 1,5 % inférieures par rapport aux augmentations
de 2018 et 2019, soit 2,4 % si en 2019, il devait y avoir encore une
augmentation de 1,2 %.
Gilbert MEYER
Gilbert MEYER
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