lundi 9 juillet 2018

Pacte de Confiance


La Loi de Programmation des Finances Publiques du 22 janvier 2018 a mis en place un dispositif d’évolution contrainte des dépenses de fonctionnement des collectivités locales et de leurs groupements, visant à générer une économie de 13 milliards d’euros au niveau national d’ici 2022.

Les régions, les départements ainsi que les communes et regroupements intercommunaux dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 60 M€, soit 322 collectivités locales dont la Ville de Colmar, sont concernés par ce dispositif. Ce dernier les contraint à plafonner l’évolution annuelle de leurs dépenses réelles de fonctionnement, au titre du budget principal, à 1,2%, inflation comprise.

Sur la base de l’argumentation qui suit, j’ai proposé au conseil municipal, le 25 juin dernier, de ne pas accepter la signature de ce que l’Etat appelle, de manière pudibonde voire hypocrite, un  « pacte de confiance ». Les conseillers municipaux m’ont suivi, à la quasi unanimité, toutes fractions politiques confondues.

Il ne s’agit pas par là de renoncer à une politique de maîtrise et de diminution des dépenses de fonctionnement de la Ville. Loin s’en faut.

Alors pourquoi cette position ? Les raisons sont multiples. Je m’explique.

1.      Ce dispositif est clairement la manifestation d’une volonté de « recentralisation » de la part de l’Etat

Or les collectivités locales jouissent du principe de la libre administration garanti à l’article 72 de la Constitution. Le Pacte de confiance proposé constitue donc une profonde remise en cause du principe de libre administration. L’autonomie de gestion des élus issus du suffrage universel est à la fois une composante essentielle de la décentralisation et la condition d’une réponse adaptée aux spécificités de chaque territoire.


2.      Ce « pacte de confiance » témoigne à mes yeux d’une grave méconnaissance des finances locales

Explications : l’inflation était déjà de 1,6% en avril 2018 (Source : INSEE, indice des prix à la consommation). Cela signifie qu’en réalité les dépenses réelles de fonctionnement, déjà fortement comprimées,  devront baisser de 0,4% pour respecter l’objectif fixé par le pacte de confiance.

En plus, l’Etat impose une actualisation des rémunérations des agents publics pour 2018, évaluée pour la Ville de Colmar à 460 000 €. Ce montant représente encore 0,6 % des dépenses de fonctionnement 2018. Ainsi, au total, les dépenses supplémentaires à assumer obligatoirement sont  de 2,2 %, soit d’un point supérieur par rapport au 1,2 % autorisé ! Donc non seulement, la signature d’une convention est une atteinte à la libre administration des collectivités locales, mais en plus le 1,2 % se situe bien en-deçà de la réalité des coûts d’augmentation !

En outre, faut-il s’interroger sur cette consigne uniforme de 1,2 % concernant toutes les collectivités locales et leurs établissements publics. C’est comme si l’Etat ne faisait pas de différence dans le coût des charges que doivent assumer :


-        Les Régions
-        Les Départements
-        Les Villes
-        Et les Intercommunalités.


3.      Au regard des économies déjà réalisées au niveau de notre Ville, la volonté de diminuer le coût de la dépense publique m’a conduit à arriver, comme je l’ai déjà dit, sur « l’os ».

Il ne nous est plus possible de faire des économies supplémentaires sans commencer à déshabiller les services. Je m’y refuse.

Par ailleurs, la Ville de Colmar n’a pas attendu le pacte de confiance pour maîtriser des dépenses de fonctionnement et optimiser sa gestion. Si la Ville figure depuis de longues années sur tous les podiums en matière de performances, c’est grâce aux méthodes de gestion que j’applique depuis 1995. Les chiffres publiés par la Direction Générale des Collectivités Locales le démontrent parfaitement. A Colmar, les dépenses réelles de fonctionnement s’élèvent à 1 272 € par habitant en 2016, contre 1 589 € en moyenne pour les communes de la même strate, soit un écart de 317 € par habitant. 

Cela traduit une économie de 22 754 577 € (317 € x 71 781 €), pour les Colmariens.

Les efforts de gestion effectués par la Ville de Colmar ne sont pas nouveaux ; ils ont été réalisés dans la durée : en effet, l’écart s’est creusé au fil du temps puisqu’en 2000 déjà, Colmar dépensait 1 195 € par habitant contre 1 307 € pour les communes de strate identique (- 112 € par habitant).

Il convient également de souligner que Colmar, tout en maintenant ses charges de fonctionnement de 2018 au même niveau qu’en 2014 (76,5 M€), a supporté 2,1 M€ de dépenses supplémentaires au titre de l’inflation cumulée depuis 2014, et 2,6 M€ pour les dépenses nouvelles imposées par l’Etat à travers ses décisions.

Ainsi, la Ville de Colmar fait figure de référence nationale en matière de gestion publique exemplaire.


4.      L’exemplarité de la Ville de Colmar s’illustre également à travers une politique d’investissement très soutenue (cf. Mot de la Semaine du 2 juillet 2018). L’investissement supplémentaire à Colmar est près de 20 M€ /an, par rapport à la moyenne des nationale des villes de la même strate de population.

Le pacte de confiance tend à sanctionner les communes vertueuses. En investissement, ces communes sont pénalisées par les coûts de fonctionnement induits par les nouveaux projets.

Or, si les collectivités sont sanctionnées lorsqu’elles investissent, c’est toute l’économie française qui est en péril. En matière d’investissement, le rôle des collectivités locales est en effet prépondérant : avec moins de 10% de la dette nationale, elles financent plus de 70% de la commande publique. On l’a vu, Colmar y prend une large part.



5.      Le pacte de confiance génère des effets pervers

A Colmar, les nouveaux projets tels que le Parking Gare/Bleylé, le Gymnase du Grillenbreit ou encore la piste d’athlétisme couverte, le nouveau centre périscolaire et le Centre Européen du Livre vont générer des coûts de fonctionnement nouveaux. Au total, ces projets traduisent une dépense de fonctionnement supplémentaire évaluée à 8 M€ pour les 12 années à venir soit environ 670 000 € par an ...

On voit donc ici l’un des effets pervers du Pacte de confiance proposé par l’Etat : les investissements réalisés génèrent des coûts de fonctionnement supplémentaires. Les villes qui investissent s’en trouvent donc pénalisées, alors que l’investissement, en tant que tel, est toujours vertueux. A titre d’illustration encore, la Ville de Colmar doit supporter 10 M€ de frais de fonctionnement supplémentaires au titre des équipements nouveaux mis en exploitation ces 10 dernières années, soit 1 M€ en plus par an !

An niveau national, il faut craindre le blocage de leurs investissements par certaines villes, avec toutes les conséquences néfastes qui vont en résulter pour le carnet de commandes des entreprises ! La Ville de Colmar, elle, continuera à investir conformément aux engagements pris devant les Colmariens : quelque 38 M€ par an pendant toute la durée du mandat.


6.      Par ailleurs, nous avons pris l’option de ne pas augmenter pour 2018 et 2019 les taux fiscaux. Ceux-ci sont figés depuis 6 ans. Il en va de même pour le recours à l’emprunt.

A titre d’exemple, et malgré les investissements lourds réalisés, la dette à l’habitant était fin 2017 quasi équivalente à celle de 1995 (958 €/habitant en 2017 contre 902 €/habitant en 1995). Par ailleurs, les 3,5 M€ d’encours supplémentaires ont été gagnés en économie sur les frais financiers (875 000 € en 2017 contre 4,36 M€ en 1995).


7.      Enfin, le pacte de confiance ne retient que les dépenses réelles de fonctionnement et occulte totalement la partie recettes qui, pourtant, est aussi de nature à qualifier les efforts réalisés par les collectivités dans leur gestion.

En effet, il s’agit de valoriser la capacité de recettes patrimoniales, hors impôts. A titre d’exemple, les recettes supplémentaires à Colmar, hors fiscalité, sont de 2,5 M€ (pour les années 2018 et 2019). Exemple pratique : le coût de fonctionnement du parking Gare/Bleyle s’élève à 275 000 € par an. Or les recettes en rapport avec l’exploitation de ce parking ne sont pas prises en considération par le pacte ! Celui-ci s’en tient aux 275 000 € de dépenses de fonctionnement !

Notre stratégie a consisté à développer de nouvelles sources de revenus, autres que les recettes fiscales, en combinant des facteurs tels que le développement de l’attractivité économique et touristique de la Ville, et la récolte des « dividendes » des investissements substantiels réalisés, par exemple, en matière de stationnement.

Cette gestion est bénéfique et pourtant, le pacte de confiance ne retient que les charges induites.


8.      Le sommet de l’incohérence du pacte proposé, se situe au niveau des charges de fonctionnement imputées pour les frais de personnel.

Sont décomptées en effet les charges brutes, sans tenir compte de la facturation faite par la Ville, pour le personnel mutualisé. Ainsi, la Ville de Colmar est pénalisée de plus de 3 M€, alors qu’elle récupère ce montant auprès de différentes institutions (Colmar Agglomération, Société Schongauer, Centre Communal d’Action Sociale, Musée du Jouet, etc.). Dès lors le contrat proposé fait figure de « bricolage », au regard duquel il vaut mieux s’abstenir de parler des 4 principes budgétaires qui régissent la gestion publique ...

Tous ces éléments me conduisent à dire que le pacte de confiance proposé apparaît donc comme injuste et inadapté aux enjeux économiques majeurs pour la France dans les prochaines décennies. Il ne permet pas de récompenser les efforts de gestion importants réalisés depuis de longues années par la Ville de Colmar, qui participe ainsi déjà, de manière très active, à l’effort national. Aller au-delà des efforts de gestion déjà réalisés, c’est courir le risque de nuire à la qualité de service rendu aux Colmariens.

Le dispositif proposé pénalise en réalité les collectivités qui, comme Colmar, ont fait preuve de rigueur et de sagesse dans leur gestion. C’est donc une double peine qu’on leur inflige ! Si toutes les collectivités avaient adopté la même rigueur que la Ville de Colmar dans leur gestion, il n’y aurait nul besoin d’un pacte de confiance !

Au  vu de ces éléments, le conseil municipal a donc suivi ma proposition visant à ne pas signer le pacte de confiance. Il l’a fait à l’unanimité, je le répète.

Nous avons considéré collégialement que les modalités proposées pour 2018 peuvent être une base de discussion mais ne correspondent pas à la réalité de la gestion publique territoriale.

Surtout, les modalités proposées sont inacceptables pour la Ville de Colmar, au regard de ce qui précède. Plus globalement, il s’agit d’un mouvement pernicieux pour les territoires. Les communes concernées par le pacte et leurs élus sont gagnés par un sentiment d’abandon. Ce pacte laisse à penser que leur action est jugée dispendieuse !

J’ai fait entendre au 1er Ministre, dans l’intervalle, les raisons de cette prise de position.

Le 1er Ministre a fait appel à une « clause de revoyure » pour adapter les modalités et la technique de l’engagement contractuel proposé. Nous verrons ce que cette clause entraîne .... D’ailleurs, ne manque-t-il pas une importante disposition dans le pacte proposé ? L’Etat, aussi, devrait s’engager à apporter de la visibilité sur les dotations à verser aux collectivités ! Par ailleurs, pourquoi l’Etat n’emprunte-t-il pas lui-même le chemin vertueux des économies budgétaires qu’il veut imposer à d’autres ?

Au final, nous resterons à Colmar conformes à ce que nous avons toujours fait : rigueur et efficacité. Nous ferons mieux que  ce qu’imposent les préconisations de l’Etat. Ainsi, les dépenses de fonctionnement 2018 ne seront pas supérieures, à peu de choses près, à celles de 2017. Il n’y aura donc pas d’actualisation de 1,2 %, mais une dépense à peu près égale à celle de 2017, soit une économie d’environ 1 %.

Et puisqu’il faut toujours se projeter vers l’avant, je prévois pour 2019 une actualisation d’environ 1 %, par rapport aux comptes administratifs 2017 et 2018. Ainsi les dépenses 2019, seront près de 1,5 % inférieures par rapport aux augmentations de 2018 et 2019, soit 2,4 % si en 2019, il devait y avoir encore une augmentation de 1,2 %.

Gilbert MEYER



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